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Le procureur : super-flic ou remplaçant du juge d’instruction ?

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La loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a été publiée au journal officiel du 4 juin (L. n° 2016-731 du 3 juin 2016).

Plusieurs de ses dispositions sont donc en vigueur aujourd’hui.

Nous retiendrons une disposition lourde de symbole de cette loi, son article 54, qui conforte le rôle de direction de la police judiciaire par le parquet et parallèlement lui impose de vérifier que les enquêtes sont bien effectuées à charge et à décharge.

Il est ainsi inséré dans le code de procédure pénale un nouvel article ainsi rédigé :

Art. 39-3  Dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs. Il contrôle la légalité des moyens mis en œuvre par ces derniers, la proportionnalité des actes d’investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l’orientation donnée à l’enquête ainsi que la qualité de celle-ci.

Il veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée.

Pour mémoire, les OPJ et APJ sont « surveillés » par le procureur général (C. pr. pén., art. 38) et leur activité est contrôlée par la chambre de l’instruction (C. pr. pén., art. 224 à 230) qui a un rôle de juridiction disciplinaire à leur égard. Désormais, la chambre de l’instruction aura également la possibilité de suspendre immédiatement, pour une durée d’un mois (maximum), les OPJ ou APJ qui auront commis un manquement professionnel grave ou porter atteinte grave à l’honneur et à la probité (nouvel art. 229-1 c. pr. pén.).

Ces dispositions de l’article 39-3 semblent donner au procureur une meilleure maîtrise des enquêteurs mais, en réalité,  ne l’exposent-elles pas en renforçant son rôle de garant de l’activité de la police sans toutefois disposer d’un contrôle hiérarchique (puisque les enquêteurs restent attachés au ministère de l’intérieur) ?

N’est-ce pas également un moyen de réaffirmer que le procureur est un magistrat au sens de l’article 64 de la Constitution et qu’il est impartial puisqu’il est le garant d’une enquête à charge et à décharge ?

Enfin, cette formulation de recherche « de la manifestation de la vérité » « à charge et à décharge » n’est pas anodine et renvoie à l’article 81 du code de procédure pénale et donc au juge d’instruction. Si l’on met cela en perspective avec la réforme de l’instruction voulue par le gouvernement et insérée par amendements dans le projet de loi Justice du 21ème siècle et avec les statistiques dont il ressort qu’à peine 5% des affaires pénales font l’objet d’une instruction, ne voit-on se profiler là la fin de l’instruction ?

Le(s) débat(s) est (sont) ouvert(s).

E. A.


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